Cet article vous est proposé par les membres de l’association EFA de l’Aveyron (Enfance Famille Adoption)
Par leur singularité, les familles adoptives suscitent régulièrement des regards curieux, surpris, interrogatifs, souvent vécus comme intrusifs, surtout lorsque l’adoption est visible. Dans une société où la loi du sang prime encore dans la filiation, bon nombre d’adoptés et leurs familles doivent vivre au quotidien avec cette filiation perçue comme différente. Ainsi, le regard sociétal, les intrusions dans l’intimité de la filiation, rappellent toujours à l’enfant ses origines, son statut, questionnent sa place, son appartenance et son identité, créant parfois chez lui un sentiment d’étrangeté, de décalage, comme en témoignent aujourd’hui certains jeunes adultes adoptés. Le regard et le jugement des autres font naître chez les familles adoptives (parents, enfants) un sentiment de différence.
Si la décision d’adopter relève d’un choix de vie personnel, de l’intime, très vite ce choix doit être partagé avec les travailleurs sociaux qui vont évaluer le projet d’adoption lors de la démarche d’agrément. Ensuite lorsque la famille élargie, les proches sont informés du projet alors fusent des réflexions pouvant laisser transparaître des inquiétudes et des peurs.
L’étrangeté de faire sien un enfant qui soit né ailleurs, un enfant que l’on n’ait pas porté rend cette parentalité suspecte. Les parents adoptifs essuient des remarques intrusives et cela devant l’enfant : « Tout se passe bien ? Est-ce qu’il a souffert quand il était dans son pays ? Son pays ne lui manque pas trop ?……. » Une famille ayant des enfants biologiques et ayant adopté son troisième enfant s’est entendue dire : « Vous avez déjà deux enfants à vous mais c’est bien ce que vous faites … » On oppose l’enfant biologique à l’enfant adopté, un considéré comme légitime, l’autre devant faire ses preuves toute sa vie. On accole systématiquement pour parler de l’enfant l’adjectif adoptif : c’est leur fils adoptif, c’est leur fille adoptive. Mais non !! l’enfant entre un jour par adoption dans la famille mais devient fils ou fille à part entière. Point ! Il n’existe pas de hiérarchie dans les filiations : filiation biologique survalorisée opposée à la filiation adoptive suspecte voire illégitime. Comment alors nos enfants dans cette insécurité générée par le regard social peuvent-ils se construire? Les parents essaient jour après jour de leur donner une place légitime, un environnement réconfortant, rassurant, sécurisant. Mais sortis du cocon familial, les enfants vont subir des micro-agressions les renvoyant à leurs différences. Les familles adoptives témoignent par leur vécu que les liens du cœur peuvent être aussi forts que les liens du sang, que les différences n’empêchent pas la construction d’une histoire commune où l’amour familial peut s’épanouir pleinement.
Les familles adoptives doivent lutter pour dépasser les remarques intrusives voire stupides, les réflexions blessantes voire mal intentionnées. Alors, en guise de protection, elles développent bien souvent un sens de l’humour aiguisé.